Les frères Gras au Marathon des sables 2014
Merci aux frères Gras de m'avoir accordé l'exclusivité de ce compte
rendu magnifique du Marathon des Sables 2014, et n'oubliez oas de
rejoindre le meilleur groupe d'Athlé de facebook LES COUREURS FOUS
Le MDS est en effet une course de 240km sur 6 jours et 5 étapes
dont une étape longue de 81,5km, le tout en autosuffisance alimentaire et dans
des conditions extrêmes : chaleur et parcours très contraignants (dunes,
oueds asséchés, jebels,…). Seule l’eau nous est fournie : au départ de
chaque étape, à l’arrivée et à tous les check-point (CP) qui divisent les
étapes en portions d’une douzaine de kilomètres. En gros le défi, pour nous
semi-marathoniens, était d’enchainer dans ces conditions l’équivalent de 6
marathons en 6 jours avec un sac à dos chargé à 8kg. La course s’est avérée
plus difficile encore que ce à quoi nous nous attendions et à fortiori ce à
quoi nous nous étions préparés… ou pas préparés, car Damien, blessé depuis le
début de l’année, n’avait pu assurer que 15 jours de footing avant le grand
départ. Pour Michaël ce fut une
préparation modeste à la longue distance en parallèle de la préparation des
cross avec 3 ou 4 sorties longues d’1h30 maximum avec sac à dos plus 3
week-ends en autonomie : désert des Bardenas, CO avec les militaires
parachutistes du camp de Souges et dune du Pyla.
L’étape longue, de
81,5km, est la plus typique et la plus redoutée du MDS. Cette année elle s’étend
de Ba Hallou jusqu’à Rich Merzoug. La première difficulté est l’ascension du
jebel El Otfal, une petite montagne de 2km offrant à son sommet une vue
panoramique splendide. Puis viennent la passe sablonneuse de El Maharch et les
petites gorges montantes de Ras Kemouna. La montée du jebel Mhadid AL Elahau
marque la mi-course. La deuxième moitié du parcours commence par 3km de sable
en dévers et se poursuit par une longue ligne droite caillouteuse de 20km. Elle
débouche dans l’oued très sableux de Bou Khechba que la piste quitte au 76ème
km pour rejoindre le bivouac par une plaine de cailloux fins. Le premier départ
est donné à 9h. A 12h, nous sommes alignés sur une ligne de départ imaginaire,
en plein désert, aux côtés de 48 autres privilégiés pour savourer ce moment
exceptionnel avec le pressentiment d’une grande aventure à venir après la mise
en bouche des 3 premiers jours. Plus qu’un départ, c’est un véritable envol
lorsque ACDC, avec Highway to Hell, nous lance dans cette course démesurée et
que les hélicos nous survolent à seulement quelques mètres, le tout rompant
magiquement avec le calme du désert. Jusqu’au CP5, marquant le 58ème km, ce fut
une vraie partie de plaisir, malgré la souffrance physique, de découvrir la
diversité des paysages que nous traversions encouragés par les concurrents de
la première vague. Nous commencions à les doubler dès la montée du premier
jebel soit 10km après le départ.
Mais le 60ème km marqua
un tournant aussi bien physiquement que mentalement. Il y avait d’un coup un
vrai ras le bol, à la limite de la dépression, au milieu de cette grande ligne
droite qui rejoint l’oued Bou Khechba et où les paysages évoluent à une allure d’escargot.
Dans ces conditions et après 6h d’effort, la volonté affronte le mental.
Parcourir encore 20km avant la délivrance paraît alors inconcevable et la
volonté lutte jusqu’aux larmes pour résister à une délivrance plus précoce mais
abjecte : l’abandon. Plusieurs kilomètres de marche dans cet état de
transe et le soutient des commissaires du CP5 sont nécessaires pour reprendre
ses esprits. C’est alors reparti, le corps souffre autant mais la volonté
devient infaillible. Michaël allume sa frontale au milieu de l’oued, à 10km de
la fin après avoir doublé tous les coureurs de la premières vague. Les 5
derniers kilomètres sont très roulants et il les avale rapidement, à plus de
15km/h, seul, guidé par les lumières bienveillantes du bivouac qui vacillent au
loin et ne semblent pas vouloir se rapprocher. Franchissant la ligne en 9ème
position il s’écroule et reste immobile de longues minutes en savourant
l’exploit. Mais il ne peut plus bouger. Impossible de rejoindre la tente 300m
plus loin sans assistance. Damien arrive aux alentours de 22h dans un état
similaire. La nuit, faite de courts intervalles de sommeil, est ponctuée par
l’arrivée des autres membres de l’équipe à commencer par le coach suivi ensuite
par le père.
Pour nous, le lendemain est
une journée de repos contrairement à la plupart des autres concurrents qui
arrivent encore jusqu’en début d’après-midi, pour la plupart dans les larges délais
impartis : 32h. Affalés sur nos matelas à l’abri de la tente berbère, nous
récupérons à l’abri des ardeurs du soleil. Le seul évènement marquant de la
journée fut l’accueil des derniers finishers par l’ensemble des participants
disposés en un couloir de glorification, long d’une centaine de mètres, ouvrant
sur la ligne d’arrivée. Regroupés autour du feu avant la tombée de la nuit,
nous achevons nos dernières réserves de lyophilisé en bénissant les quelques
grammes qui viendraient encore alléger notre sac à dos le lendemain, pour la
dernière étape chronométrée. Du côté de Michaël, des stratégies sont débattues
dans le but de l’aider à tenir ses objectifs. A moins d’une défaillance la
dixième place est dans la poche. Par contre, son objectif bonus de premier
français parait se situer à des années-lumière quelque part entre l’étoile du
berger et la lune presque pleine dont la clarté subjugue le bivouac silencieux.
Mais dans cette ambiance digne d’un conte des Mille et une nuits tout devient
limpide et les calculs se perdent dans l’immensité du désert : 15min de
retard deviennent négligeables et les esprits s’endorment sereinement.
Au petit matin, il
apparait néanmoins compliqué de se lancer sur notre premier marathon et ce
encore plus pour Damien qui est pris de nausées et ne peut rien avaler. Nos
corps exigent plus de récupération et la décision de repousser de 1h30 le
départ des 200 premiers au classement général ne soulève aucune protestation. Nous
restons allongés jusqu’à la toute dernière minute sous notre tente désertée de
nos 6 coéquipiers. A 9h, néanmoins, il faut s’activer et jouer des coudes pour
se faufiler en première ligne. Le road-book affiche un tracé très roulant jusqu’au
CP3 situé au 32ème km. Les 10 derniers kilomètres, empruntant une bonne partie
de l’oued Tarhbalt très sableux, une gorge caillouteuse et quelques dunes, s’annoncent
beaucoup moins réjouissants. Pour combler son retard, Michaël n’a d’autre choix
que de s’échapper dès le début et c’est un réel plaisir de courir avec le
groupe des leaders, puis de s’échapper seul en tête sous les encouragements des
marcheurs de la première vague.
Mais la
fatigue accumulée ne lui permet pas d’accrocher le marocain qui reprend les
commandes à mi-course. Après avoir loupé l’entrée de la gorge il perd 2min ce
qui lui coûte sa deuxième place à l’entrée des dunes. Il jette alors toute son
eau pour s’alléger, au risque de finir en hyperthermie. Mais le sable a raison
de ses effort et il franchit la ligne au pied du podium employant ses dernières
forces pour agiter le drapeau français. Dans ces conditions le chrono est
honorable : 3h22. Il ne reste plus qu’à attendre l’arrivée des français en
surveillant le chrono… et c’est l’explosion de joie lorsque les 15min sont
écoulées. Une joie partagée avec les autres membres de l’équipe au fur et à
mesure de leurs arrivées et notamment Damien qui arrive 1h plus tard avec
seulement une compote dans le
ventre !
Quelques heures plus tard sous le ciel étoilé,
accompagnés par un récital de musiciens de l’opéra de Paris, notre équipe
reçoit 3 trophées : Michaël pour sa 8ème place au classement général (1er
français), Nathalie Maillet pour sa première place dans la catégorie V2 et le
trophée caritatif pour l’association Prim@ que nous avons soutenue tout au long
de cette aventure. Une aventure très forte humainement avec de belles
rencontres à l’instar de Laurence Klein et de ses conseils avisés, d’Hicham El
Guerrouj venu féliciter Michaël à l’arrivée du marathon mais aussi toute
l’équipe de l’organisation extrêmement sympathique. Une aventure inoubliable
qui nous aura appris énormément dans notre projet de marathon, notamment au
niveau de la gestion des efforts longs, de leur récupération, de l’alimentation
pendant l’effort, ou encore de la gestion de l’hydratation et de la chaleur.